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3 juin 2011 5 03 /06 /juin /2011 22:09

avocat.jpgCertaines questions montrent que leur auteur ignore bien plus que la réponse qu'il attend.

 

Quand on demande à un acteur comment il a osé sauter d'un hélicoptère en feu, c'est ignorer qu'un cascadeur a pris les risques à sa place. Du coup, notre acteur se retrouve immanquablement en proie au plus grand malaise pour répondre sans faire passer son interlocuteur pour un abruti.

 

Ainsi lorsqu'on me demande, généralement en fin de soirée dans un café du commerce : "Mais-comment-peux-tu-défendre-quelqu'un-que-tu-sais-coupable???"

 

J'ai développé toute une cohorte de réponses à cette question, des plus savantes (quand le questionneur est joli) à "T'es trop con" (quand il est moche).

 

Aujourd'hui, je vous en propose une qui soit suffisamment provocatrice pour figurer ici, mais courte parce ce que je suis fatigué et surtout je ne peux pas voir si vous êtes assez plaisant pour mériter plus long ;-)

 

Disons-le tout net: je ne suis pas fait pour les bons sujets.

 

Oh, ce n'est pas que les actes affreux et les gros méchants m'attirent, quand même. Voire...

 

Mais depuis tout petit, mes tripes me dictent que seuls les faibles méritent d'être défendus. Le garçon que tout le monde tapait parce qu'il était toujours trop bien habillé (Jean-Claude, fils de médecin), la fille qui soi-disant puait (Nathalie), l'Ethiopienne au collège (Sarah), la première-de-la-classe-avec-le-cartable-minable-et-les-cheveux-gras.

 

Au moment d'un procès, le faible c'est l'accusé. Voyez DSK ces temps… Ça ne saute pas aux yeux?

 

Viol, pas viol? Complot? Tout le monde y va de son avis alors que la seule chose qu'on peut lui reprocher de manière certaine est un goût inconscient du "suicide librement consenti" (titre d'un article aéronautique sur les pilotes privés d'avion), un sens irrépressible de l'autodestruction par attirance avec cette zone grise qui finit toujours par ne pas pardonner. Contre vents et marées, malgré les enjeux politiques qui s'ouvraient devant lui : il fait l'objet d'un mini-scandale (peut-être immérité) pour être entré dans un Porsche et il loue une suite à $ 3'000.- la nuit, à New York la semaine suivante, au risque que ce seul fait brisât sa carrière de candidat socialiste à l'élection présidentielle.

 

Le reste n'est que conjecture et gloser sur ce qu'il a fait ou pas fait est stupide.

 

Alors oui, j'aurais adoré le défendre, quoi qu'il ait fait.

 

Disons-le sans détour : les victimes m’horripilent prodigieusement. Je ne suis pas bon à les prendre en charge, parce que ce je ne me sens rien de commun avec elles. Elles crient leur besoin de vengeance et leur goût du sang. Elles se sentent en droit d’exiger une tête en haut d'un mat.

 

Je ne suis pas fait pour gérer cette haine névrosée et encore moins pour la partager.

 

Plus les crimes sont graves, plus les victimes se sentent fortes : c’est leur heure de gloire...

 

Plus les crimes sont graves, plus la pensée est unique, plus l’hystérie collective est forte … et plus j'aime mon métier d’avocat.

 

Etre avocat, c’est accepter d’être seul contre tous. Comme le ferait naturellement un père pour son enfant, quelle que soit la bêtise ou le crime qu'il a commis et sans pour autant excuser ce qu’il a fait.

 

Etre avocat, ce n’est en tout cas pas de hurler avec les loups.

 

Des avocates de ma connaissance le font très bien à ma place.

 

Mais ce ne sont pas des avocates, ce sont des champignons ! (et hop, un hommage à Saint-Ex)

 

Elles ne sont même pas nécessaires, car la balance est déjà en butée sans qu'il soit besoin d'alourdir encore le plateau de leur côté.

 

Mais tant qu'on peut les contrer, elles ne sont guère nuisibles. Cela devient en revanche un véritable scandale lorsqu'on sait que ces avocates à l'étiquette "anti-victimes s'abstenir" siègent comme juges dans les cours pénales, où l'on connaît leur parti paris avant le début de l'instance. C'est vite vu: elles refuse généralement toute défense pénale d'accusés et se sont même systématiquement brouillées avec tous les vrais pénalistes, excluant de leur propre vie ceux qui n'épousent pas les mêmes idées que leurs clientes.

 

L'accusé sait qu'il est condamné d'avance, mais il il y a pire: les avocats et les procureurs perdent d'un coup leur indépendance, ils foulent aux pieds leur serment de ne jamais se laisser entraver par des forces extérieures à leur mission. Il suffit qu'ils se soient frittés avec ladite avocate-juge, alors qu'elle était avocate d'une partie civile une semaine plus tôt, et c'est l'accusé qui le paye injustement. Inutile de dire que si l'avocate est une adversaire aujourd'hui en sachant qu'elle siègera la semaine suivante comme juge, le problème est le même. C'est le début de concessions faites au diable, d'une justice à qui l'on arrache le bandeau qu'elle a sur les yeux, seule garantie paradoxale de sa claire-voyance.

 

Oui, c'est un scandale comme il y en a peu. Un des précédents du genre était la possibilité, pour les juges d'instruction valaisans, de pouvoir siéger également comme juge du fond, dans une même affaire. Cers juges pouvaient déjà se saisir d'office, ce qui leur permettait d’écumer les bars à putes de la ville de Sion, flanqués de deux policiers à leurs côtés et, tels des cow-boys qu'ils étaient souvent, d’arrêter ceux qui avaient le malheur de solliciter les services (pourtant légaux) de celles qu’on paie en liquide. Il se retrouvait alors devant un juge d'instruction... C'était le même type ! Surpriiiise… Quelques mois après, pour peu que le juge d’instruction soit convaincu qu’il existât des soupçons suffisants de culpabilité, le prévenu était renvoyé en jugement devant un tribunal pénal... présidé par (je vous le donne en mille) : le même cauchemar !

 

Le nombre d’acquittements était évidemment proche de zéro puisque une telle décision serait revenue pour le juge à se désavouer son propre travail pendant plusieurs mois, et les convictions qu’il avait déjà publiées dans son ordonnance de renvoi.

 

C'était hallucinant et évidemment, la Cour européenne des droits de l'Homme a condamné la Suisse pour cette pratique barbare, qui a été modifiée depuis. En partie, car la procédure réservée aux mineurs, même à Genève, est restée semblable à cela.

 

Eh bien, je trouve qu’on n’en est pas très loin avec ce choquant cumul de casquettes juges/avocats, qui ramène Genève et la Suisse au temps des tribunaux présidés par les accusateurs eux-mêmes : les juridictions d’exception et les cours d’inquisition.

 

Ce sera mon prochain cheval de bataille : au moins obtenir que ces avocats-juges aient à choisir entre leur charge de magistrats et le droit de plaider au pénal comme avocats.

 

Restent deux questions qui feront certainement l'objet d'un prochain billet : comment l'avocat qui a pour inclination de vouloir châtier son prochain concilie-t-il ce vice avoué avec la noblesse de sa mission ? Et, finalement, que cache (ou que révèle) chez le juge pénal, le policier, le contractuel, le Père Fouettard, l'Imam auteur d'une fatwa, le père qui exprime sa sévérité à coups de ceinturons - ainsi que toutes les autres activités répressives - le plaisir d'infliger des châtiments ?

 

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