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15 juin 2011 3 15 /06 /juin /2011 16:53

 

grand-mere-ordinateur.jpgLes petits événements génèrent souvent les plus grands cataclysmes, paraît.

 

Sans refaire ici l’allégorie de l’effet papillon illustré par le philosophe Bénabar, dont les vers d’adolescent sont à la chanson française ce que les blagues carambars sont à l’humour, c’est quand même à cause du meurtre d’un empereur sans envergure que l’Europe se retrouva au milieu d’une guerre mondiale.

 

C’est déjà à cause d’un volcan islandais entré en éruption en 1783 que la France a été plongée dans un hiver rigoureux au point que la Seine et toutes les rivières se sont mises à geler, provoquant au dégel des inondations généralisées, la destruction des récoltes de tout le pays et une famine de cinq ans avant la convocation des Etats généraux par Louis XVI en 1789, qui devait lever dans l’urgence de nouveaux impôts de crise. Avec la conséquence qu’on connaît : la Révolution française.

 

 

C’est la soi-disant conjonction d’un passage de Jupiter sous la lune de Saturne au moment de ma naissance qui expliquerait mon sale caractère de Verseau-ascendant-je-sais-pas-quoi-puisque-j’ai-été-adopté-et-qu’on-a-oublié-de-relever-l’heure.

 

On ne parlera même pas de la rencontre fortuite dans un café ou un cinéma et de la funeste copulation qui s'en est suivie de ceux qui se retrouveront malgré eux géniteurs de rejetons destinés à devenir des Adolf Hitler, des Albert Einstein ou des Mère Teresa.

 

Eh bien, je sens qu’il s’est produit ce week-end quelque chose qui, comme dans l’excellent cycle des Fondation d’Asimov, va faire dévier l’Histoire au point que ce brave Sheldon est instamment prié d’intervenir fissa pour remettre son Plan sur les rails : ma mère s’est mise subitement à l’ordinateur et à internet, avec des conséquences que vous ne pouvez imaginer.

 

Hier soir, lorsque je l’ai initiée à l’informatique, je me suis dit que réfractaire qu’elle est à l’électronique comme je le suis à la broderie de Saint-Gall, elle capitulerait avant de comprendre comment lire les news de Google que j’avais pourtant configurées pour s’afficher au lancement de la page d’accueil.

 

Ou qu’elle s’arrêterait à la contemplation de ses petites-filles que je lui ai collées en fonds d’écran.

 

Erreur grââve !

 

Ce matin, elle me réveillait toute fière de m’expliquer qu’elle avait ma pédagogie à profit pour allumer le notebook que je lui avais offert à Noël dernier et qui n’avait jusque-là pas davantage connu l’électricité qu’une ursuline cistercienne les effets conjugués de l’ecstasy et du Viagra.

 

Elle s’était « même » connectée à internet…

 

Je finissais le café qu’elle m’avait apporté et sentait bien, malgré des paupières encore aggravées par le sommeil, que cette nouvelle comportait des effets pervers aussi inattendus que disproportionnés.

 

Ma mère s’était levée et, sans ma présence à ses côtés pour l’y contraindre, avait tripatouillé ce qu’elle avait toujours pris pour un Moloch qu’il valait mieux laisser sommeiller dans sa mallette et elle était parvenue à ouvrir une nouvelle fenêtre sur le monde.789616365-facebook-big-brother.jpg

 

Ça n’augurait rien de bon pour moi, mais je ne savais pas vraiment pourquoi. Pourrait-elle désormais me harceler de mails ? Non, pas le genre. Verrait-elle par facebook tout ce que je ferais ? Et alors… Se ruinerait-elle en achats sur eBay, dans une frénésie de prodigalité ? Elle n’a même pas de carte de crédit. Ferait-elle de mauvaises rencontres sur des chats ou des forums pour veuves éplorées ? C’est tout compte fait ce qu’on peut lui souhaiter de mieux.

 

J’engloutissais mon troisième café d’affilée histoire d’être aussi rapidement que possible prêt à prendre toute mesure radicale pour riposter au danger qui se profilait, aussitôt que je l’aurais identifié.

 

Trop tard !

 

Elle m’avoua tout de go, sur le ton faussement détaché de la mère qui vient de trouver dans le tiroir de son fils adolescent des revues pornographiques hardcore posées sur une réserve de joints à moitié fumés, qu’elle avait non seulement réussi à trouver l’adresse du blog dont j’ai eu l’imprudence de lui révéler l’existence, mais – coup de grâce – qu’elle avait déjà lu sept des billets que j’y ai postés !

 

Ça valait bien la peine de masquer le visage de mon avatar par de l’argile si ma propre mère pouvait lire ce que je n’ai jamais dit à personne !

 

Il y avait péril en la demeure : mon article « cent vingt millions de secondes », et le lien qui conduit à l’opuscule du même nom est en onzième position de la liste !

 

Et c’est de la bombe : à côté, le coming out d’un fils de pasteur qui manie le martinet comme les Pater Noster est une badinerie qu’on dit tout sourire.

 

Car ce n’est pas un coming out. Ça c’est fait.

 

C’est, accouchées il y a vingt ans, les émanations putrides d’un jeune homme qui s’inventait une vie sordide, et dont les fantasmes éponymes, certes homosexuels, n’ont toutefois rien à voir dans leur cynisme, leur méchanceté, leur noirceur et leur tristesse avec ceux qui ont jamais été les miens. le-cri--Edvard-Munch.jpg

 

Je laisse un improbable psy me démontrer le contraire, mais ce serait alors à l’issue d’une longue et spectaculaire thérapie.

 

Cet essai de quelques dizaines de page est simple à définir : chaque idée, chaque page, chaque mot sont exactement ceux qu’on choisit pour n’être jamais lus par sa mère !

 

C’est de la composition, mais avec trop de points communs apparents pour que je prenne le risque de brouiller les cartes.  L’image que j’y donne à mon personnage est l’opposé exact de celle que j’ai toujours laissé entrevoir à mes proches et de laquelle je me reconnais moi-même. Mon héros n’est pas le second visage de Janus ou le Mister Hyde caché d'une face émergée, mais un pauvre type misanthrope, cynique et malheureux que je crois bien loin de moi.

 

Du coup, tous ceux qui m’ont côtoyé auraient l’impression, légitime mais doublement fausse, de ne jamais m'avoir connu vraiment voire d’avoir été trompés par la façade que je leur ai toujours présentée.

 

Celui qui lira ce pas-moi-de-moi-d’il-y-a-vingt-ans comprendra que serait vaine d’emblée toute tentative de leur faire avaler qu’il s’agissait d’un innocent exercice de style…

 

Reste à espérer que mes lecteurs seront des anonymes ou suffisamment intelligents pour n’y voir qu’un texte intéressant.

 

Ma mère s’en allait déjà pour reprendre sa lecture. Il fallait faire quelque chose !

 

La caféine matinale a décidément des vertus que même la cocaïne lui envie : une bonne dizaine d’options de secours s’affichèrent instantanément, à la manière de la rétine du Terminator qui listait en rouge les réponses à donner à l’intrus qui frappait à la porte au moment où il était en train de réparer sa peau de cyborg (« I’ll be back », « Sir, don’t disturb me please, I’m making up… », « Fuck you bastard and get away before I kick your ass !», « KILL HIM RIGHT NOW ! »).

 

In casu, c’était alternativement « Tape vite "format c:" ! », « Dis-lui que la mère d’un ami s’est fait cambrioler par douze Roms qui avaient tracé l’adresse IP de son PC allumé quelques secondes à peine », « Efface ton blog », « Efface le billet Cent vingt millions de secondes », « Dirige le lien vers une dictée de concours et soutiens que « cent vingt millions de secondes » était le temps imparti pour rendre les copies, en espérant qu’elle ne calcule jamais que ça fait quatre ans… », « TUE-LA SUR-LE-CHAMP ! ».

 

La dernière option m’est apparue un chouia théâtrale à l’extrême ; les autres s’opposaient soit avec le fait que j’avais moi-même acheté cet ordinateur, soit avec l’idée que je me fais de mon intégrité d’auteur.

 

J’ai préféré la rappeler. Je lui demandai fermement de bien vouloir sauter le chapitre « Cent vingt millions de secondes ». Je sais qu’elle le fera.

 

Quand même : c’est drôle, internet. On y publie des choses à la cantonade tout en excluant, pauvres fous, qu’elles soient lues par des proches.

 

On est tellement faciles à rassurer qu’un masque d’argile qui ne cache rien et quelques précautions oratoires suffisent pour qu’on en oublie aussitôt la pudeur.

 

Et la prudence.

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commentaires

M
<br /> <br /> Es-tu sûre qu'elle le fera :-))))<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> <br /> Extraordinaire<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre

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